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Parcours de crête à l'Aube
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Monte Furmicula et lever de soleil sur la mer
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Jeudi 6 juillet 2023
Départ à 7h pour un parcours de crête, le soleil se lève à peine. L'ambiance est presque marine, peut-être est-ce les embruns que charrie le vent arrivant de l'ouest, la mer est tout proche. Peut-être est-ce à cause des granits polis. Magnifié par l'Aube, ce décor est vraiment envoûtant et contraste encore avec les paysages vus jusqu'ici. Je chemine dans le silence, quasi seule sur la crête, j'adore ces moments. Seul le souffle du vent brise le silence total de la montagne. Pour le moment, le ciel est majoritairement couvert mais on devine que la masse nuageuse ne demande qu'à se dissiper. De part et d'autre du sentier, j'observe une troupeau de chevaux et un couple de grands corbeaux. Après avoir cheminé sur la crête reliant le Monte Furmicula et la Punta Bianca, le sentier descend ensuite en forêt un petit moment. Cela tombe bien, je commençais à avoir un peu chaud car les nuages ont effectivement disparu. J'enlève une couche de vêtements et cet arrêt marque l'heure du deuxième petit-déjeuner (c'est beau la vie de trekkeuse, on peut prendre deux petit-déjeuners). Le col de Laparo marque la fin de la partie forestière, je m'arrête quelques instants à la table d'orientation, profitant du panorama, il est 9h15.
Puis le parcours devient plus rocailleux, pas vraiment roulant, les pieds commencent à chauffer. Il y a même un gros éboulis à traverser à proximité de la Punta di Campitellu. La pause repas au refuge du Prati est bienvenue. Il n'est que 11h50 lorsque je l'atteins mais mieux vaut être en avance vu la grosse étape du jour.
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En arrivant au refuge de Prati
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Je redémarre environ 40 min plus tard, juste avant deux mules bien chargées assurant le ravitaillement entre le refuge et le col de Verde. J'avance comme souvent d'un bon pas, le sentier s'y prêtant de nouveau. Mais je constate avec étonnement que les mules m'ont presque rattrapée dans la descente après la Bocca d'Oru. Je n'aurais jamais pensé que des mules aussi chargées avanceraient si vite sur ce genre de terrain. Une fois dans la hêtraie j'accélère encore, usant de mes appuis sur les bâtons pour cavaler, et finis par les distancer. Cette descente en forêt est très plaisante, le sentier confortable, je me régale à dévaler ainsi. Mais encore une fois, arrivée au col de Verde (vers 14h), la fatigue me gagne et les pieds souffrent à nouveau. Je dois m'arrêter un peu avant de repartir vers Capannelle, la route qui m'attend est encore longue. La fontaine située près du relais est l'endroit idéal.
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En descendant vers le Col de Verde
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Mais malgré la fatigue, il faut repartir dans la chaleur de l'après-midi, heureusement le GR reste à l'ombre en forêt. Entre le Col de Verde et Capannelle, cela va être un alternance entre de magnifiques pinèdes, avec des spécimens centenaires, impressionnants, et des hêtraies pleines de charme avec elles aussi des arbres centenaires. Tout d'un coup, je tombe sur un petit groupe de quatre truies noires bien typiques, qui cheminent sur le sentier en mangeant ce qu'elles trouvent au sol. Elles avancent, impassibles, devant moi. De quoi faire du bon lonzo !
J'ai encore un peu d'énergie mais la distance restant à parcourir est assez inquiétante. Heureusement, le sentier reste très confortable, roulant, il est quasiment plat. J’allonge ma foulée, déterminée à ne pas arriver trop tard. Vers 15h45, en plein lacets, une pause goûter est nécessaire, je me rends alors compte que j'arrive à la fin de mes réserves d'eau. Heureusement je me trouve à quelques centaines de mètres des bergeries d'I Pozzi, sur le plateau de Ghjalgone, où une fontaine est accessible. Je croise quelques personnes en sens inverse depuis les lacets et l'on me dit que le berger n'est vraiment pas avenant, un cliché de montagnard corse. Je me dirige donc vers la fontaine en le saluant poliment mais m'en vais aussitôt le plein d'eau fait.
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Les arbres sont magnifiques, ici un pin Laricio
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Malheureusement, malgré le cheminement plutôt plaisant, toujours à l'ombre, toujours sur un sentier souple, la fatigue me rattrape à nouveau, et les kilomètres restants sont de trop. Je m'efforce de profiter du magnifique décor forestier, dans ma souffrance, mais j'avance maintenant au mental. Mes pieds me supplient d'arrêter, et mes paupières sont lourdes, je me sens presque capable de m'endormir en marchant. Comme souvent dans ces moments, il faut trouver des distractions pour l’esprit : je me mets à penser aux bons repas que je pourrais déguster une fois le GR terminé, je rêve d'une bonne pizza traditionnelle, je devrais pouvoir trouver ça à l'Île Rousse, ou au pire à Montpellier où je me rendrai en rentrant de Corse.
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Un parcours tranquille mais trop de kilomètres dans les pattes...
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Je rattrape un homme bien chargé, il est ukrainien et avance tranquillement, pas pressé ni fatigué. Nous échangeons deux mots puis je pars devant. Arrivée près d'une route qui me laisse penser que j'approche de la station de ski de Capannelle, je finis par constater avec amertume que cette dernière est encore plus loin. Il reste une belle montée de plus de 300m de dénivelé et presque 2 kilomètres. Voyant le bitume, je rêve de faire du stop et attends au bord de la route, reposant mes pieds à l'agonie par la même occasion. Aucune voiture ne passe mais il y en a deux qui sont garées là, alors j'attends un moment.
L'heure
tourne ( il est 18h environ) et c'est aussi cela qui me pose problème, j'aimerais profiter
d'un bon dîner et bénéficier du plus de repos possible avant d'attaquer
de nouveau demain. Quand, enfin, je vois un groupe dépassé plus tôt rejoindre l'une des voitures. Je leur dis que je suis épuisée et leur demande où ils vont. Ils descendent à Ghisoni. Je me dis qu'ils auront peut-être pitié de moi et me monteront à la station avant de redescendre, mais non. Ils ne me proposent que de descendre, pas de détour par rapport à leur trajet. Si j'avançais déjà au mental, maintenant c'est carrément la méthode Coué : "Ok, je vais le faire. Je vais le faire". Allez, la montée, je sais faire, ça fait moins mal aux pieds, je serre les dents, respire à fond. Je vais au bout de moi-même en cette fin d'étape.
J'arrive à 19h, ivre de fatigue, au refuge. Quand, stupéfaction, passée la porte, je vois un homme en train de préparer des pizzas, l'odeur est si alléchante ! C'est trop beau pour être vrai, une pizza dans un refuge de montagne ? Et bien oui, un peu trop beau : pour les pensionnaires comme moi, c'est menu unique, les pizzas sont à manger dehors pour les autres. J'avais réservé ma demi-pension et tout le monde est déjà attablé. Je me confonds en excuses mais le personnel est vraiment sympathique et m'accueille le mieux possible. Je file m'installer à table avec deux allemands et deux français, et dévore le bon dîner. Cela fait un bien fou de s'arrêter, et je me sens mieux après une bonne douche et des étirements dans les parties communes qui en ont amusé certains. Là-dessus, une bonne nuit de sommeil et je serai d'attaque pour demain.
Au-delà de l'accueil chaleureux, le refuge est aussi très bien équipé, avec des douches chaudes et récentes, de l'espace, du ravitaillement varié, de quoi charger les appareils électroniques... Tout ce luxe est bien sûr facilité par l'accès routier.