Etape 1 : Conca - Asinau

Mardi 4 juillet 2023

 

Sentier du GR20 passant à la Bocca d'Usciolu
10h15 : passage par la Bocca d'Usciolu 

Il est donc presque 10h lorsque je m'élance au départ du GR20 à Conca. Le sentier monte bien mais il est tout de suite très joli, j'apprécie ce paysage de forêt méditerranéenne. Je croise déjà des randonneur.se.s qui terminent probablement leur GR20 dans le sens classique. J'ai beaucoup à faire aujourd'hui et suis partie tard, j'avance donc d'un très bon pas. Il fait rapidement assez chaud mais je trouve cela encore supportable. J'entends et entraperçois ce qui doit être une fauvette mélanocéphale ou pitchou. Je voudrais m'attarder car je n'ai jamais l'occasion d'observer les espèces méditerranéennes mais je n'ai pas le temps aujourd’hui, et je me dis que j'en verrai d'autres (Spoiler : de toute la traversée, je n'en rencontrerai qu'une autre lors de la dernière étape mais que je n'ai pas bien vue, alors que j'avais le temps).

Paysage du sud du GR20 Corse
Paysage depuis le sentier : Punta Pinzuta au premier plan, Puntas Balardia et Batarchione au deuxième

A midi, une pause grignotage s'impose à Bocca Villaghello, 1060 m ("Bocca"  = col). Je suis complètement trempée en tous les points d'appui de mon sac. Il faudra s'y habituer car ce n'est que le début. Ce sont les températures habituelles, il n'y a pas particulièrement de vague de chaleur en ce début de périple. Une femme de mon âge arrive en sens inverse, elle a hâte d'en finir avec le GR qui doit donc être aussi dur que ce qu'on prétend. Je lui indique ma destination du jour, mais précisant mon avancée rapide jusqu'ici, anticipant ses craintes. Mais elle me dit quand même que c'est impossible, qu'Asinau est beaucoup trop loin pour que j'y arrive aujourd'hui, vu l'heure. Je lui réponds que tant pis, je m'arrêterai probablement au col de Bavella à la place... Même si j'espère au fond réaliser toute la double étape comme prévu.

Le paysage est vraiment splendide : les montagnes sont tantôt de granit gris poli avec des rochers tout ronds, tantôt de granit rougeâtre parsemé de pins maritimes. Mais globalement, je m'émerveille de voir autant de vert. On aperçoit rapidement Porto Vecchio, la mer et même la Sardaigne. Les balises GR sont omniprésentes et cela me change, habituée de la HRP et son cheminement souvent hors sentier. Cela me reposera mentalement de marcher 10 jours sans me préoccuper de l'orientation. J'arrive au premier refuge I Paliri en environ 4h, pauses comprises. Je refais le plein d'eau et continue au pas de course pour monter à Foce Finosa. Pour en redescendre, le sentier étant roulant, je me mets à courir un peu. Je croise à nouveau deux personnes qui me disent qu'il faut être raisonnable et qu'atteindre Asinau ne leur semble pas faisable. 

Paysage de granit poli GR20 sud
Bocca Villaghello 

Arrivée au col de Bavella vers 15h, je ne suis pas encore trop fatiguée malgré le rythme que je me suis imposé et les kilomètres avalés. Je vais demander un avis à l'auberge sur le fait de continuer ou non, ou s'ils ont de la place pour dormir si je choisis de m'arrêter là. Une employée me dit qu'il faudrait m'arrêter ici : ce n'est pas trop ce que je voulais entendre, il n'est que 15h, tous ces efforts auraient été vains… Puis je tombe sur le gérant, Anthony, qui m'encourage vivement quand il comprend mon rythme et au vu de la météo : 

Vas-y, va sur la variante alpine, tu vas voir c'est génial, il fait beau, pas d'orage, fonce !

Il appelle tout de même le refuge d'Asinau pour prévenir que je voudrais dîner mais n'arriverais que vers 19h30, ils sont ok. J'ai perdu un peu de temps à chercher ces informations mais tant pis, j'essaierai d'être rapide à nouveau. Mon père, qui avait manqué mon appel en quête de conseils, me rappelle quand je repars. Je lui parle alors en marchant et manque alors l'intersection entre le GR et la variante. Et voilà 5 min perdues bêtement... Je m'engage finalement dans la montée vers la variante alpine, ça grimpe assez fort. J'arrive rapidement sur la crête très découpée qui marque le début des aiguilles de Bavelle, des dentelles de granit très singulières, ce décor est tout simplement magnifique. L'eau, au fil du temps, a sculpté tantôt des cavités évoquant les alvéoles d'une éponge, tantôt des colonnes, plis et stries très esthétiques dans la roche. Au gris du granit viennent s'ajouter le vert profond des pins laricio, l'ocre des reliefs au deuxième plan, et le bleu de la mer au loin.

Première muraille rocheuse aiguilles de Bavelle
Début des aiguilles de Bavelle

Paysage depuis la variante alpine
La variante alpine par les aiguilles de Bavelle

Après une petite errance au moment de basculer sur l'autre versant de la muraille qui s'élevait depuis le col de Bavelle, me voilà dans le vif du sujet, affrontant déjà les premiers passages du GR équipés de chaînes. Je désescalade rapidement sans me poser de questions mais avec une aisance relative car je ne prends jamais la peine de ranger mes bâtons pour ce genre de passages. Environ 2h après être partie du village de Bavelle, me voilà à la Bocca di U Pargulu (1662 m), et il est temps de descendre vers la vallée d'Asinao.

Vue depuis Bocca di U Pargulu
Avant de redescendre vers Asinau
Je passe la vitesse supérieure. La gravité nous pénalise tellement en montée, autant l'utiliser à notre avantage dans les descentes ! Je déroule un petit trot en prenant énormément appui sur mes bâtons pour ne pas trop user les genoux et les cuisses. C'est un vrai régal. Cette sensation de vitesse, sans fournir de gros effort et avec un chargement pourtant plus important qu'en trail, le kiff. S'en suit une phase tout à plat sur un sentier bien roulant comme j'en verrai très peu tout au long de ce GR... Je continue de viser le record de vitesse et déroule un bon pas. Il fait soif, la journée commence à être longue mais il me reste encore de l'énergie (et un tout petit peu d'eau). Il faut terminer par une ultime montée raide vers le refuge, je donne tout ce que j'ai pour limiter les désagréments dans l'organisation du dîner au refuge. 

Arrivée à Asinau, 30 min plus tôt que ce que nous avions estimé et annoncé, je trouve un grand nombre de randonneur.se.s attablé.e.s à la fois à l'extérieur sur la partie terrasse et à l'intérieur du refuge. Je m'annonce en précisant que c'est en quelque sorte Anthony qui m'envoie, qu'on avait averti de mon arrivée tardive. On me chambre en prétendant que c'est trop tard, puis on finit par m'installer à la table de deux randonneuses qui ont déjà mangé leur entrée de charcuterie corse. Elles sont très sympathiques et m'accueillent chaleureusement malgré mon état (je suis bien évidemment en sueur) et mon retard. La charcuterie est délicieuse, le potage de lentilles qui suit également, et je suis plutôt rassasiée après m'être resservie plusieurs fois. Il y en a eu des calories dépensées aujourd'hui ! Le repas terminé, il est temps de trouver ma tente pour la nuit - ici comme dans tous les refuges du parc sur le GR20, on peut réserver à l'avance sa place en tente mais elles ne sont garanties que jusqu'à 19h. Si on arrive après cette heure, ils se réservent le droit de les attribuer à quelqu'un d'autre. On peut voir le bon côté des choses : si l'on a rien réservé, passé 19h, on a une chance d'obtenir une place en tente. Les refuges en ont un grand nombre, il m'a semblé tout du long qu'il en restait toujours plusieurs inocupées. Tous les refuges ont des modèles Décathlon blancs opaques, très efficaces pour protéger du soleil et de la chaleur, et équipés de matelas gonflables somme toute confortables - L'autre urgence à mon sens est de me laver. Les douches sont gelées et très sommaires, mais elles ont l'avantage d'être là ! Au tour des vêtements maintenant, c'est le quart d'heure lessive, un rituel inévitable pour qui veut alléger son sac à dos en trek. Enfin, je peux profiter de la fin de soirée pour me poser un peu au refuge, au son des chants corses entonnées par l'équipe de gardiens, tout en étudiant mon étape de demain. Premier jour : la Corse ne déçoit pas !

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