Étape 9 : Asco - Ortu di O Piobbu

Mercredi 12 juillet 2023

Ce matin, j'ai vraiment sommeil, la nuit n'a pas été bien réparatrice, j'ai dû verser de l'eau sur mon drap de soie pour trouver le sommeil avec cette chaleur. Il fait déjà extrêmement doux au départ du refuge, sans doute un bon 22°C d'après moi (probable sachant que la minimale ce jour-là au sommet 700m plus haut était de 15°C) alors qu'il n'est que 6h30 et que nous sommes à 1400m d'altitude. La montée est très raide jusqu'à la Bocca di Stagnu (1979m), il fait lourd car ce versant est à l'abri du vent. Je grimpe efficacement et retrouve un autre randonneur qui me suit depuis quelques étapes mais avec qui je n'ai pas encore discuté. Une fois au col, nous trouvons un vent assez fort, qui est assez providentiel vu les températures. Par chance, il va souffler sur une bonne partie du parcours aujourd'hui. Le ciel est couvert et surtout, on observe toujours une forte pollution qui obscurcit l'horizon. Est-ce ces particules fines dans l'air, la fatigue ou bien un défaut d'hydratation, mais j'ai ce matin une petite migraine. 

La crête au sud de la Bocca di Stagnu
La crête au sud de la Bocca di Stagnu
Le paysage, évidemment minéral, se teinte partiellement de rouge sur cette partie du GR. La montagne en ces lieux est comme feuilletée, de nombreuses strates faites de grandes dalles presque horizontales m'entourent et j'admire les vaillants pins laricio qui, assez invraisemblablement, parviennent à pousser dans ce substrat pour le moins inhospitalier. J'observe à nouveau deux mouflons en contrehaut. La descente vers Carrozzu est bien technique, avec tantôt de la pierraille instable dans laquelle il faut faire attention à son centre de gravité et ses appuis, tantôt ces fameuses grandes dalles bien lisses. Toujours un peu usée à J-1 du terme de ce trek, et sentant une diminution de l'adhérence de mes semelles (très logique vu le terrain abrasif que je foule depuis maintenant 8 jours), je ne suis pas à l'aise et m'aide des chaînes installées le long du sentier. Elles doivent s'avérer parfaitement indispensables en cas de temps pluvieux, mais je remercie ma bonne étoile qui comme toujours me garantit un temps très sec pendant mon trek. 

Pins laricio poussant sur les roches
En descendant vers Carrozzu

Après avoir failli manquer l'intersection et continuer sur la liaison vers Bonifatu, mais remise dans le droit chemin par un gardien du refuge, me voilà arrivée à Carrozzu (1260m) peu avant 10h. Je retrouve l'autre randonneur qui a fait une courte pause et s'apprête à repartir. Entre le sommeil et ma migraine, j'ai grand besoin d'une sieste. Malheureusement, alors que je me sens presque capable de m'endormir en marchant tant je suis fatiguée, il m'est impossible de trouver le sommeil sur le banc que j'ai trouvé, avec le monde autour et les moucherons et autres petits insectes qui viennent me démanger les jambes. J'opte donc pour une petite pause café / gateau à la farine de châtaigne. J'ai du temps pour effectuer la deuxième partie de cette étape et rejoindre Ortu di O Piobbu, même s'il semble raisonnable de ne pas trop traîner pour éviter de marcher pendant les heures les plus chaudes. Je me remets alors en route. On me souhaite bon courage en me voyant dans la montée assez costaud qui monte à la Bocca Innominata (1865m). Comme depuis le début de ce GR "à l'envers", je dois beaucoup m'arrêter laisser passer les randonneurs qui le parcourent dans le sens classique. Cela hache considérablement mon avancée, et c'est un petit point négatif à retenir à propos du choix sud-nord pour le GR20. 

Capu Ladroncellu étape Carrozzu Ortu di O Piobbu
Capu Ladroncellu (2144m) et suite du parcours depuis al Bocca Innominata
 
Vue parnoramique en se retournant vers le sud
Bocca innominata et massif du Cinto depuis en-dessous du Capu Ladroncellu

Arrivée au col, je savoure la vue sur le sentier que je vais devoir parcourir qui ondule de part et d'autre de la crête. Cette partie a l'air assez courte et plaisante. En effet je passe un moment agréable à la suivre, malgré les quelques passages où les mains doivent prendre le relai des bâtons. Je trouve le panorama vers le sud, dans mon dos, magnifique. On y voit bien le Cinto, et les nombreux hauts sommets qui l'entourent. La roche des environs est de nouveau rosâtre. C'est une étape magnifique. Je me sens encore en forme, reboostée par la pause à Carrozzu et ce petit café. Mais ces sensations s'arrêtent aussitôt que j'arrive au dernier point haut de cette étape, et où je retrouve mon compagnon de route de ce matin. Je rattrape en fait en montée le temps qu'il gagne sur moi en descente. A 13h donc, mon corps commence à me demander d'arrêter. En cause, la fatigue générale d'une part, mais aussi une douleur derrière le genou apparue hier soir et qui est par moments très vive lors de mouvements de descente. Jusqu'ici, elle m'avait encore peu handicapée mais maintenant qu'il n'y a plus que de la descente, cela s'aggrave. De plus, il commence à faire très chaud. Je trouve un endroit ombragé auprès des aulnes pour manger et reprendre des forces, je parviens même enfin à m'assoupir quelques minutes, assise en tailleur, tant je suis fatiguée. Mais il faut bien repartir. 

Avant de descendre vers Ortu di U Piobbu
Avant d'entamer la descente vers Ortu Di U Piobbu
 
Dernière grimpette
Derniers mètres de D+ avant Ortu Di U Piobbu

La distance qui me sépare du refuge est très faible et le dénivelé presque entièrement négatif mais voilà, de manière erratique, je ressens ces douleurs aussi vives que brèves derrière mon genou qui m'arrachent la plupart du temps de vrais cris de surprise et de douleur. C'est de pire en pire, je suis obligée de ralentir mon rythme et mon calvaire semble ne jamais vouloir prendre fin. Des larmes de douleur et de rage finissent par monter, me voilà en train de sangloter de manière totalement incontrôlable, tout en continuant de marcher. J'ai honte, je me dis alors que je suis loin d'être une guerrière. Et puis je finis par me dire que la fatigue ne doit pas aider. J'arrive en piteux état à 16h15, soulagée que cette double étape soit terminée, mais un peu inquiète pour la dernière étape de descente demain. Je ne vais quand même pas abandonner si près du but ? 

Manque de chance pour moi et mon genou capricieux, le refuge d'Ortu di O Piobbu est très étalé sur son flanc de montagne, il faut enchaîner les montées-descentes pour circuler entre les tentes, les sanitaires, le poste du gardien et l'épicerie. Le repas qui est servi ici est assez décevant, comme dans certains refuges du GR20 : assiette de pâtes à la sauce tomate simplissime et en quantité juste normale (plus entrée de charcuterie, compote et cookie). En me perchant sur le point le plus haut à côté de la cabane du gardien, je parviens à trouver un peu de réseau et appelle ma mère, ostéopathe, en quête d'un peu de réconfort et en espérant qu'elle pourra quelque chose pour moi.

A nous deux, nous émettons l'hypothèse que, dans la descente vers Asco hier, où j'ai beaucoup perdu l'équilibre et fait 2-3 glissades, mon tibia aurait glissé en arrière par rapport à l'axe du genou. Cela expliquerait la localisation de la douleur, et par chance, il existe une manipulation simple à faire soi-même pour arranger la situation. Je m'y attelle donc avant d'aller dormir et espère que cela suffira.

1 commentaire:

  1. Superbe étape Romane, dans la douleur ! Quelle aubaine d’avoir eu du réseau, et le bon contact ostéopathe ! J’espère que la dernière étape sera bonne… En tout cas bravo à toi pour ce périple.

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