Dimanche 9 juillet 2023
Je me mets en route à 7h35 de nouveau, bien après tout le flot des randonneurs, préférant me reposer mais surtout, j'ai abandonné l'idée d'atteindre Tighjettu aujourd'hui. Les kilomètres à parcourir m'effraient et je ne me sens pas très reposée ce matin. Le début du parcours est très roulant, c'est appréciable après le terrain rencontré hier. Passée la bergerie de Vaccaghia, le sentier devient même confortable, avec des appuis parfaitement amortis par la pelouse : c'est le début d'une zone de pozzi, ces prairies herbeuses humides d'altitude parsemées de tourbières et trous d'eau plus ou moins grands. Un décor très vert s'offre donc devant mes yeux, il fait toujours un soleil radieux, c'est une belle carte postale de la Corse qui contraste énormément avec le paysage de l'étape d'hier. Le tracé du GR est relativement plat pour l'instant, et ce jusqu'au lac de Nino. Cette journée débute donc tranquillement.
Après la bergerie de Vaccaghia, Capu a e Furcelle (2062m) et Cimatella (2098m) |
Début des pozzi |
C'est aujourd'hui que je dois croiser Bernard et Valérie, des amis de mon père, qui ont beaucoup parcouru le GR20 dans les deux sens, et le parcourent encore dans sa moitié nord en cette période. Arrivée au lac de Nino sans même m'en être rendu compte (je m'attendais à un lac plus profond), j'ai donc manqué son contournement par le sud, hors GR, qui m'aurait permis de recharger les réserves d'eau à la fontaine située sur l'autre rive. Cela n'est pas bien grave, j'avais normalement pris suffisamment d'eau. Je m'accorde une petite pause après 2h de marche, bien installée sur un rocher tout plat au bord du lac. J'aperçois en face du monde au niveau de la fontaine. Un homme se tient en avant, debout et regardant dans ma direction. Non, ce ne serait pas déjà Bernard, il serait parti si tôt et/ou aurait marché si vite depuis le col de Vergio ? N'y croyant pas trop, j'entame ma barre de céréales. Mais c'est vrai que ce serait vraiment très bête de se rater alors que l'on parcourt tous deux le GR. Soudain, l'homme crie mon nom de l'autre côté du lac. Mince, c'était bien lui, heureusement qu'il m'a reconnue ! Je remballe tout et me précipite à sa rencontre. Nous sommes heureux de nous croiser au cours de cette belle aventure, de ce trek exigeant. Comme pour rendre ce moment encore plus savoureux, un gypaète barbu (juvénile) vient survoler le lac à assez basse altitude. J'aime tellement cet oiseau, je suis surexcitée à chaque fois que j'en vois un, il faut dire qu'ils sont assez rares, en plus d'être majestueux.
En arrivant au lac de Nino |
Le lac de Nino et le Capu a u Tozzu |
J'explique à Bernard mon changement de programme, motivé par ses indications comme quoi Manganu-Tighjettu serait long, mais que les trois dernières étapes pourraient se faire en deux jours en compensation. Il me dit alors, tout impressionné, que vu toutes les journées que je viens de faire, je peux tout à fait atteindre Tighjettu aujourd'hui. Ah ! C'est vrai que ce serait pratique car je n'ai pu changer aucune de mes réservations. Mais je doute, je lui fais remarquer que je ne suis pas partie assez tôt pour doubler l'étape. Il est confiant et me dit que vu mon rythme, je devrais être à midi au col de Vergio, et si je suis en forme, j'ai largement le temps d'aller jusqu'à Tighjettu après une petite pause au col. Ah bon, enfin quelqu'un qui croit en moi, et plus que moi-même encore.
Reboostée, je quitte Valérie et Bernard en forçant le pas, chose aisée sur ce sentier toujours assez roulant. Je me mets à rêver :
"Mais alors, si j'atteins Tighjettu ce soir, je peux peut-être quand même zapper un arrêt sur les 3 dernières étapes, et ainsi terminer le GR20 en 9 jours ?? "
L'idée de ce "record" me galvanise, je suis malgré tout partagée entre cette idée de performance sportive et la peur de regretter de ne pas avoir bien profité des paysages. Dans ma course effrénée, je marque donc quelques arrêts contemplatifs afin de ne pas avoir de regrets. Je tombe à nouveau sur Florian et Sebastian, les allemands, en train de faire une petite pause et de déguster des canistrelli. Ils m'en proposent gentiment, je m'arrête donc cinq minutes avec eux puis me remets en route. Je continue à bien avancer, m'aidant toujours énormément de mes bâtons pour descendre rapidement à la Bocca San Pedru (1452m). Je me dis qu'à ce rythme, je peux arriver avant midi au col. Mais la fatigue et le mal de pieds finissent par se faire sentir, de même que la chaleur. J'arrive au bout de ma réserve d'eau, j'ai hâte d'arriver mais pense ne pas être loin, vu l'heure. Malheureusement, il me reste à contourner la crête de Scupertu. Le sentier repasse en forêt et l'ombre est appréciable, mais on sent quand même la forte chaleur. Un troupeau de vaches est posté en plein milieu du sentier, et ces dames refusent de bouger. Je peste contre ces bovidés têtus en effectuant un contournement fort peu pratique dans les fougères. Autant je n'ai pas peur de m'approcher des vaches (tout en faisant attention) lorsqu'il y a la place de passer, mais là il était impossible de rester sur le sentier.
Le sentier est facile, le dénivelé nul, mais j'ai vraiment soif, c'est la première fois que j'arrive vraiment à court depuis que je suis partie de Conca. Je serre les dents, poursuis à plat puis attaque un dernier raidillon de 70m de dénivelé, et n'arrive qu'à 12h30, assoiffée et fatiguée, à Castellu di Vergio. Je me rue sur le point d'eau de l'épicerie, me restaure (ce fameux sandwich que je promène depuis Capannelle...) et hésite encore sur la suite de la journée. Est-ce qu'après une petite sieste, je me sentirai prête à repartir ? Et si oui, jusqu'où ? Pas à Tighjettu, j'en suis sûre maintenant, il est assez tard, il fait très chaud aujourd'hui... Je décide donc finalement de stopper là pour aujourd'hui. Cela me fera une étape assez courte demain où je pourrai profiter de baignades dans les vasques, et il faudra juste doubler des étapes dans la partie nord. De plus, je serai plus en forme pour gravir le Cintu dans deux jours. Je prends donc une place en dortoir et m'offre une bonne heure de sieste plus que nécessaire.
La Serra San Tomaghiu |
Punta Licciola |
La soirée se poursuit tranquillement, les randonneurs arrivent petit à petit. Je retrouve rapidement Sebastian et Florian qui dormiront ici dans leur tente. Je discute et bois une petite Pietra avec des bordelais, puis j'échange avec l'animateur d'une colo et quelques-uns des enfants qui partagent avec moi un peu de leur fromage corse fort en goût. Nous comparons également nos clichés de la faune locale, le fameux gypaète barbu, les cochons... L'ambiance est détendue, tout le monde profite pleinement de cette expérience privilègiée qu'est l'itinérance en montagne.
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