Samedi 8 juillet 2023
Mon départ de l'Onda est assez tardif, à 7h40 car d'une part il me semble que l'étape du jour est plus courte, et aussi car c'est la première nuit où je sens que je récupère vraiment, je profite de ce sommeil de qualité jusqu'au bout. A noter que ce dernier a tout de même été interrompu brièvement par l'orage qui a éclaté vers minuit, suivi par une petite averse.
Je démarre par une montée agréable vers la crête, puisque j'ai choisi de prendre la variante. C'est très roulant pour le moment, je m'arrête profiter du réseau une bonne demi-heure et donner des nouvelles aux uns, aux autres. Plus loin, peu avant la Bocca a Meta (1890 m), puis en contournant la Punta di i Pinzi Curbini (2021 m), le sentier devient très caillouteux et ralentit la progression. L'atmosphère est assez brumeuse mais on distingue encore aujourd'hui le golfe d'Ajaccio, au sud-ouest. Dans cette direction également mais au premier plan, j'admire les crêtes acérées de la Punta Migliarello et ses voisines, les puntas Giareto, Laccione et Feniccia.
Punta Migliarello et ses voisines, les puntas Giareto, Laccione et Feniccia. |
Avant de descendre à Petra Piana, je trouve une autre courte section roulante puis enfin un dernier passage caillouteux plus compliqué. J'arrive à 11h50 au refuge et, de nouveau, la question se pose : manger ce sandwich qui commence à dater ou profiter des spécialités du refuge ? Ici c'est frites et œuf au plat ! On me dit qu'elles valent le coup. Alors va pour l'assiette œuf et frites. Effectivement elles sont très bonnes et c'est bien la première fois que je vois ce genre de restauration dans un refuge de haute montagne. Je partage un agréable moment à discuter avec un père et son fils venus de Lozère, et quelques camarades qu'ils se sont faits en route. Ils m'apprennent que l'hélicoptère que j'ai entendu tourner tout à l'heure a, comme je le craignais, procédé à un secours, un marcheur parti comme eux de Manganu avait fait une chute.
En repensant aux journées passées, longues pour moi, je pense à changer mon découpage d'étapes, craignant le 6e jour, Manganu-Tighjettu qui s'annonce très long en distance. Je souhaiterais donc profiter du réseau mobile disponible ici mais personne ne répond. Il faudrait pourtant que je décale certaines nuitées en raison de ce changement de plan. Cela fait une bonne heure que je me suis arrêtée et il me reste un assez gros morceau, aussi je me remets en route. Tant pis pour les changements de réservations.
Punta Muzella au fond, depuis la pointe Murace |
"Nous, on a mis 6h !"
Certes, je ne devrais pas arriver très tôt mais j'espère tout de même entre 17h et 18h et quelques. La montée à la Bocca Muzzella (2210m) achevée, il s'agit maintenant de contourner à peu près à plat la Punta du même nom, en surplombant les lacs de Rinoso. L'avancée sur ce tronçon se fait assez vite. Le paysage est magnifique, prend une dimension de vraie haute montagne. Après le col de Rinoso, je retrouve les deux allemands qui progressent moins vite que moi dans un terrain qui a fini par devenir bien plus accidenté. Je leur dis à plus tard et arrive au niveau de l'intersection avec le trajet des traileurs dont on m'a parlé à Petra Piana : en ce moment se déroule le Restonica Trail, du nom de la rivière et la vallée autour de laquelle il passe. Des parcours de 70 km et 110 km sont proposés. Quel courage, j'aime le trail mais je n'en ai jamais fait d'aussi long et surtout, il ne me viendrait pas à l'esprit de venir courir en pleine journée en Corse et en juillet, entre la chaleur et la technicité du terrain, cela fait beaucoup de difficultés !
Les lacs de Melo et de Capitello finissent par se dévoiler et sont magnifiques, j'ai l'impression de voir les hauteurs des Pyrénées avec ces lacs dans leurs écrins perchés, peu accessibles, entourés de murailles rocheuses bien découpées.
Le lac de Melo |
Au menu du Restonica trail... |
J'encourage chaleureusement chaque traileur que je croise, ils marchent pour la plupart d'entre eux et je ne les gêne pas tant que ça en arrivant en sens inverse sur le sentier. Plus loin, à proximité de la Punta alle Porte, il faut vraiment mettre les mains, se hisser à l'aide de chaînes et même faire le tout en se baissant pour pouvoir passer sous un énorme rocher sans accrocher le sac. C'est la section ardue du jour. Il ne faut pas paniquer. Ces difficultés passées et après 3h quasi sans arrêt depuis Pietra Piana, je m'accorde une pause goûter bien méritée, juste à l'aplomb du lac de Capitello. Je suis rejointe par des chocards à bec jaune qui, je le constate ici comme dans les Alpes, ne sont pas du tout sauvages comme ceux des Pyrénées. Ils viennent voir les randonneur.se.s en espérant obtenir un peu à manger. Je passe donc un moment amusant à leur donner un ou deux bouts de noix de cajou non salées, et observer alors un comportement très singulier : l'un d'entre eux s'aplatit au sol dans une sorte de révérence bien basse, je pense qu'il s'agit du comportement des poussins pour réclamer à manger ? En tout cas une attitude de soumission dans l'attente d'une récompense/ offrande, me dis-je.
Le lac de Capitello |
Chocard à bec jaune |
Je repars et atteins très rapidement la magnifique Bocca alle Porte, dernier passage avant la descente sur Manganu. C'est une brèche étroite dans une jolie crête taillée en dentelle. Des traileurs continuent d'arriver en sens inverse, il fait chaud, je les plains vraiment et les voir me fait relativiser sur ma souffrance. C'est que la fatigue commence à me gagner moi aussi, comme chaque jour en milieu d'après-midi, aux trois-quarts de mes étapes environ. De plus, on m'a fait comprendre que la descente qui m'attend vers Manganu est ardue. En effet, je constate qu'elle est très raide et technique, très caillouteuse. Je rattrape les allemands qui ont du me passer devant pendant ma pause, en empruntant le même sentier que les traileurs, et donc s'écarter brièvement du GR. Nous marchons et discutons quelques minutes ensemble puis de nouveau je continue devant à mon rythme. La journée commence à être trop longue à mon goût, les pieds chauffent, les chevilles et les genoux sont fortement sollicités, il fait toujours chaud, j'espère tellement arriver bientôt. Je finis par apercevoir le refuge mais il me reste encore quelques efforts avant de l'atteindre. Je craque et m'accorde une dernière pause à deux doigts d'arriver pour soulager mes pieds qui hurlent de douleur et avaler un peu de sucre. J'arrive de nouveau à 18h et des poussières, j'ai donc mis 5h pauses comprises pour cette étape indiquée à 5h de marche depuis Petra Piana.
Je retrouve Olivier et Sabine, qui étaient dans la tente voisine au refuge de l'Onda, ils marchent à bon rythme puisque partis à peine avant moi ce matin, les voilà arrivés depuis bien deux heures. Ils se sont arrêtés beaucoup moins longuement à Petra Piana. On leur sert comme aux autres une plâtrée de pâtes tellement généreuse qu'ils me donnent le reste, constituant une part entière, suffisante même pour la randonneuse affamée que je suis ! Aujourd'hui fut encore une dure journée dont mes genoux se souviendront mais c'était vraiment une (double) étape magnifique.
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